Pleins feux sur Frederick Roth

La carte des interactomes humains la plus exhaustive jamais créée permet d’identifier de nouveaux gènes du cancer

La grande majorité des interactions entre les protéines humaines demeurent un mystère. Chaque gène peut coder plusieurs éléments distincts et les chercheurs s’efforcent actuellement de mieux comprendre chacun de ces éléments, où ils se trouvent dans les cellules humaines et comment ils sont interconnectés.

Une équipe codirigée par Frederick Roth, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada en biologie intégrative de l’University of Toronto, a créé la plus importante carte illustrant le réseau formé par les protéines et autres composantes cellulaires qui adhèrent l’une à l’autre. Les travaux de recherche de M. Roth ont mené à l’identification de dizaines de gènes nouvellement associés au cancer.

La carte des « interactomes humains » de M. Roth, qui décrit quelque 14 000 interactions directes entre protéines, est quatre fois plus grande que toute autre carte de ce genre et contient plus de détails sur les interactions de grande qualité que toutes les études précédentes réunies. Des études portant sur la levure de boulangerie ont déjà cartographié des interactions à l’échelle génomique, mais la nouvelle étude est la première à appliquer cette échelle aux protéines humaines.

L’étude démontre également que le réseau d’interactions entre les protéines humaines comprend un éventail beaucoup plus large de gènes qu’auparavant suggéré par d’autres études. Selon M. Roth, les études sont souvent axées sur les protéines déjà connues comme étant associées à la maladie ou qui sont intéressantes pour d’autres raisons, ce qui crée des résultats empreints de partialité et limite notre compréhension des interactions.

 Après avoir constaté que les protéines associées à une même maladie sont plus susceptibles de s’interconnecter, nous pouvons désormais utiliser ce réseau d’interactions comme outil servant à identifier de nouvelles protéines cancéreuses ainsi que les gènes codés par ces mêmes protéines. 

En collaboration avec Marc Vidal, du Dana-Farber Cancer Institute et du Harvard Medical School, Frederick Roth codirige l’équipe de recherche internationale qui a publié l’article dans Cell. M. Roth est chercheur principal au Lunenfeld-Tanenbaum Research Institute du Mount Sinai Hospital et professeur au Donnelly Centre for Cellular and Biomolecular Research, à l’University of Toronto.

Dans le cadre d’expériences en laboratoire, les scientifiques ont identifié des interactions pour ensuite se focaliser, à l’aide de modélisation informatique, sur les protéines qui se connectent à une ou plusieurs autres protéines cancéreuses.

« Nous démontrons, réellement pour la première fois, que les protéines cancéreuses sont plus susceptibles de s’interconnecter que de se fixer à des protéines non-cancéreuses choisies au hasard », a déclaré M. Roth, qui est également chercheur principal à l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA).

« Après avoir constaté que les protéines associées à une même maladie sont plus susceptibles de s’interconnecter, nous pouvons désormais utiliser ce réseau d’interactions comme outil servant à identifier de nouvelles protéines cancéreuses ainsi que les gènes codés par ces mêmes protéines », a ajouté M. Roth. Par exemple, deux gènes cancéreux connus ont codé deux protéines qui interagissent avec la protéine CTBP2, elle-même associée au cancer de la prostate qui peut se propager aux ganglions lymphatiques. Ces deux protéines sont associées aux tumeurs lymphoïdes, ce qui laisse croire que la protéine CTBP2 joue un rôle dans le développement de tumeurs lymphoïdes.

De par leur approche prédictive, les chercheurs ont découvert que soixante de leurs gènes identifiés comme pouvant être associés au cancer correspondaient à une voie connue de progression du cancer. De telles découvertes sont essentielles pour comprendre la progression du cancer et d’autres maladies, et pour éventuellement trouver des façons de les traiter et de les prévenir. M. Roth compare les médecins qui traitent les maladies des patients à des mécaniciens.

« Comment pouvons-nous demander à une personne de réparer une voiture avec une liste incomplète de pièces et aucune instruction sur la façon dont les pièces sont connectées? » demande M. Roth. « La principale conclusion de notre recherche est la suivante : lorsque nous cherchons de façon systématique des interactions, nous en trouvons partout ».