Entrevue avec Younès Messaddeq, titulaire de chaire d'excellence en recherche du Canada


Entrevue réalisée à l’Université Laval en octobre 2011 avec Younès Messaddeq, titulaire de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur l'innovation en photonique dans le domaine de l'information et des communications.

Dans un article de François Bourque, journaliste au Soleil, vous mentionnez que « le chercheur est un rêveur ». Que voulez-vous dire au juste?
Je ne crois pas que l’on puisse faire de la recherche sans être un peu rêveur. « Rêveur » dans le bon sens du terme, c'est-à-dire penser à une découverte qui pourrait contribuer au bien-être de la population, que ce soit en matière de santé, d’environnement, de télécommunications ou d’énergie. Tous ces domaines-là comportent de grands défis scientifiques. Et c’est sans doute pourquoi, chaque fois que j’en ai eu la chance, j’ai poursuivi mes travaux dans des pays et des villes où se trouvent les meilleurs centres de recherche. Je me suis expatrié aux États-Unis, au Japon en France et en Suède. Avant de venir au Canada, j’étais en Allemagne. Une fois qu’une nouvelle étape est franchie, le chercheur pense inévitablement à celle qui va suivre, à celle qui va lui permettre de pousser encore plus loin sa recherche. Mon expérience au Brésil, par exemple, a été enrichissante en termes de formation, mais pour continuer d’avancer, il m’a fallu passer à autre chose.

Pourquoi avoir choisi le Canada pour poursuivre votre carrière de chercheur?
Il y avait longtemps que je rêvais de venir au Canada pour mener mes recherches. À vrai dire, au moment d’amorcer mes études de doctorat, le Canada était déjà dans ma mire, et ce, pour plusieurs raisons. C’est un pays qui est reconnu sur le plan de l’éducation et où la formation est de très haut niveau. J’aspirais à faire partie d’un environnement de recherche stimulant. L’accessibilité à des infrastructures de qualité est également un aspect important quand on est un chercheur, et le Canada offre cet avantage. Si l’occasion s’était présentée, j’y serais venu bien avant. Le fait que le Canada soit un pays pacifique et un endroit où il fait bon vivre a aussi pesé dans la balance au moment de prendre ma décision.

Il y a, en effet, des infrastructures très impressionnantes à l’Université Laval.
Ce que vous dites est juste. Et c’est d’ailleurs ce qui m’a le plus marqué lors de ma première visite en novembre 2008. Après avoir fait le tour du Centre d’optique, photonique et laser (construit en 2007), ma décision était prise : j’allais venir au Québec. Jamais je n’avais vu ailleurs dans le monde de pareils équipements de haute technologie. Et c’est sans parler de la qualité des ingénieurs et des techniciens qui s’y trouvent et du support administratif fourni. Toutes ces conditions constituent un milieu favorable pour faire une recherche de pointe.

J’imagine que le financement associé à une chaire d’excellence en recherche du Canada, qui représente 10 millions de dollars sur sept ans, a aussi facilité votre prise de décision.
Il va sans dire qu’un tel financement est un incitatif majeur, car il permet au chercheur de se concentrer sur sa recherche. Lorsque j’étais au Brésil, je devais consacrer beaucoup de temps à remplir des demandes de subvention, et ça semble être aussi le cas Canada au dire de certains collègues. Alors, c’est évident, cette perspective de financement sur sept ans est fort intéressante. Elle me permet entre autres de considérer de nouveaux défis. J’ai d’ailleurs commencé à voir la valeur de cette perspective dès la deuxième année. De plus, ces 10 millions nous ont permis d’en drainer d’autres provenant de divers partenaires fédéraux et provinciaux ainsi que du secteur privé. Au bout du compte, je me retrouve avec une valeur qui dépasse les 28 millions de dollars. Dans un certain sens, cette perspective de financement sur sept ans sert de plateforme à de nombreux autres projets.

Vos travaux auront des retombées importantes, notamment dans le domaine des communications et en matière de santé. Où en êtes-vous dans vos recherches?
Dès la première année, nous avons opté pour une approche partenariale et nous allons continuer en ce sens. Par exemple, nous avons travaillé à la mise au point de fibres atténuatrices de concert avec l’entreprise CorActive. Nous examinons aussi la possibilité de travailler en collaboration avec le Centre de recherche Université Laval Robert-Giffard en ce qui a trait à la neurologie et à la maladie de Parkinson. Pour la biophotonique, nous pensons à des chercheurs de la McMaster University. Plus récemment, nous sommes allés chercher des partenaires à l’international, qui choisissent de venir s’établir au Québec quand ils voient tout le potentiel qui existe ici sur le plan de la recherche.

Qu’espérez-vous avoir accompli au moment où votre chaire d’excellence prendra fin?
Le jour où j’ai reçu ma chaire d’excellence, j’ai commencé à rêver à la possibilité de mettre en place un institut du verre. À mon avis, le verre est le matériau de l’avenir. Bon nombre des avancées qui se font présentement utilisent le verre. Avoir un institut du verre au Canada, je crois que ce serait bon pour le secteur industriel et pour l’économie. Ça permettrait de créer des emplois et des occasions de formation. Tout le pays y gagnerait. J’espère vraiment que je pourrai réaliser ce rêve.