Entrevue avec Adrian Owen, titulaire de chaire d’excellence en recherche du Canada


Entrevue réalisée à Ottawa en octobre 2011 avec Adrian Owen, titulaire de la Chaire d'excellence en recherche du Canada sur les neurosciences cognitives et l'imagerie de l’University of Western Ontario.

Comment s’est passée la transition du Medical Research Council Cognition and Brain Sciences Unit de l’University of Cambridge, en Angleterre, à l’University of Western Ontario?
À ma grande surprise, la transition a été facile. J’ai été très bien accueilli, et mes nouveaux collègues ont fait le nécessaire pour que je m’installe sans difficulté. Le programme d’imagerie de l’University of Western Ontario est fantastique et le scanneur que j’utilise ici est le même que celui que j’utilisais à Cambridge. Au fond, cette transition a été fort simple : je n’ai eu qu’à faire ma valise, à prendre l’avion et à me remettre rapidement au travail. Un mois après mon arrivée, j’achevais déjà mon premier projet d’imagerie par résonance magnétique.

Quels sont les avantages qu’offre le Canada aux chercheurs de talent qui sont prêts à venir poursuivre leurs travaux dans les universités canadiennes?
Il est évident que je vais pouvoir accomplir au Canada des choses que je n’aurais pas pu accomplir au Royaume-Uni, notamment parce que j’entreprends ici un nouveau départ. À l’University of Cambridge, j’ai monté mon programme de recherche par morceaux pendant près de 20 ans. Au Canada, grâce au Programme des chaires d'excellence en recherche du Canada, je peux concevoir le programme de recherche que je veux en adoptant une approche en cascade et en ayant suffisamment d’argent pour embaucher les personnes dont j’ai réellement besoin plutôt que de devoir m’accommoder de celles qui sont là au moment où je reçois des fonds pour un projet particulier. Depuis mon arrivée, de nombreuses personnes de partout au Canada ont communiqué avec moi. J’ai déjà des collaborateurs à Halifax et à Vancouver. Établir un réseau du genre n’était pas une chose facile à réaliser au Royaume-Uni, alors qu’avoir accès à une expertise et à des patients d’un bout à l’autre du pays facilite franchement le travail.

Une approche interdisciplinaire vous permettra-t-elle de trouver les réponses à vos questions?
Absolument. En 2006, nous avons réussi à montrer pour la première fois, à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, que les personnes qui semblent se trouver dans un état végétatif sont en réalité conscientes. La technologie d’imagerie cérébrale nous a donc apporté de nouvelles connaissances en ce qui concerne l’état végétatif. Bon nombre de nos études soulèvent aussi de nouvelles questions éthiques, nous obligeant à repenser certains des paramètres éthiques qui balisent nos décisions concernant les personnes qui sont dans un état végétatif. Comme je ne suis pas éthicien, je collabore avec des spécialistes de ce domaine pour déterminer la manière de traiter les résultats de recherche. Mon travail intéresse aussi les philosophes, car les connaissances acquises sur l’état végétatif peuvent les éclairer sur la signification même de la conscience : qu’est-ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes et que nous ressentons ce que nous ressentons?

Combien y a-t-il de personnes dans un état végétatif au Canada?
Personne ne peut répondre à cette question, car l’état végétatif n’est pas une maladie en soi. Il est possible de se retrouver dans un tel état à la suite d’un accident de voiture, d’une lésion cérébrale ou de tout autre traumatisme ayant entraîné une perte d’oxygène au cerveau. Certaines personnes peuvent vivre de nombreuses années dans cet état, et d’autres non. Certaines sont placées dans des services de soins intensifs ou des centres de soins infirmiers de longue durée, alors que d’autres sont soignées à domicile. Il est donc très difficile de connaître le nombre exact de personnes qui sont dans un état végétatif, la durée de leur état et leur condition véritable. Une minorité d’entre elles pourraient être tout à fait conscientes de leur état. Je suis impatient d’aller leur rendre visite et d’en savoir un peu plus à leur sujet, de déterminer si certaines d’entre elles pourraient être diagnostiquées de nouveau afin de définir plus précisément leur condition.

Votre recherche est-elle porteuse d’espoir pour les personnes qui sont dans un état végétatif?
Plus on en sait sur une personne, meilleures sont nos chances de pouvoir l’aider. Aucun traitement ou thérapie n’a encore fait ses preuves, et je ne vais pas prétendre le contraire. Auparavant, on pensait qu’il n’y avait aucun espoir pour ces personnes, donc on ne finançait pas la recherche dans ce domaine. Aujourd’hui, tout le monde y voit un intérêt, alors cette recherche prend de l’ampleur et les choses commencent à avancer. Au cours des 15 dernières années, j’ai été témoin d’incroyables changements et d’importants investissements – ma chaire d’excellence en recherche du Canada en est un exemple. Les résultats de recherche ont montré qu’il y a beaucoup à apprendre sur l’état végétatif, et qu’au fil des découvertes, nous augmentons nos chances de mettre au point des thérapies comme moyens de réadaptation potentielle.

Dans sept ans, qu’est-ce qui aura avancé dans le domaine des neurosciences cognitives ou qu’espérez-vous y avoir accompli?
Tout bien considéré, ma recherche ne se limite pas au groupe de sujets qui y participent, elle vise aussi à répondre à l’ensemble des questions que présente ce type de travail. J’aimerais beaucoup arriver à regrouper tous les travaux de recherche sur la conscience et les troubles qui y sont liés dans un centre d’excellence à l’University of Western Ontario – un centre où les travaux de recherche menés dans de nombreuses disciplines gagneraient à être ensemble plutôt que séparés.