Vincenzo Di Marzo, qui s’apprête à occuper la nouvelle chaire d’excellence en recherche du Canada de l’Université Laval, s’est donné pour objectif de comprendre et de caractériser le microbiote intestinal.
Dans les sombres profondeurs de notre estomac, et quelque part à l’intérieur de nos intestins, vit un réseau de micro-organismes. Il s’agit du microbiote intestinal, plus couramment nommé « flore intestinale ». C’est un système important – le microbiote intestinal peut représenter jusqu’à 3 p. 100 de la masse corporelle d’un individu – qui a sans doute en partie coévolué avec l’humain au fil des millénaires.
M. Di Marzo entend relever un défi fascinant et exigeant : comprendre les effets qu’ont les signaux environnementaux sur le microbiote intestinal – et, par conséquent, sur la santé – à l’échelle cellulaire et moléculaire.
Ces micro-organismes, pour la plupart des bactéries, des archées et des champignons, vivent habituellement en symbiose avec le corps. Ils aident à métaboliser la nourriture, à assimiler les nutriments essentiels et à tenir les agents pathogènes à l’écart. Toutefois, s’ils sont perturbés, ces micro-organismes peuvent causer des troubles de santé importants, notamment le diabète, l’obésité et, ultérieurement, des troubles cardiovasculaires. Du moins, c’est ce que nous croyons. À vrai dire, personne ne sait exactement comment ils fonctionnent ni quel rôle ils jouent. Cela, par contre, est peut-être sur le point de changer.
Vincenzo Di Marzo, spécialiste renommée de la chimie biomoléculaire, vient d’être nommé titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur l’axe microbiome-endocannabinoïdome dans la santé métabolique et, à l’été 2017, il deviendra le quatrième titulaire d’une chaire d’excellence en recherche du Canada de l’Université Laval.
Au cours des sept années où il sera titulaire de cette chaire, M. Di Marzo entend relever un défi fascinant et exigeant : comprendre les effets qu’ont les signaux environnementaux sur le microbiote intestinal – et, par conséquent, sur la santé – à l’échelle cellulaire et moléculaire.
Il compte ensuite élaborer de nouvelles stratégies permettant de rétablir la bonne santé du microbiote. Une des façons d’y parvenir sera de tirer parti des composés dérivés d’aliments qui peuvent exercer une influence positive sur l’action bénéfique que produisent les microbes intestinaux grâce à leurs propres substances chimiques. Cela peut se faire, selon lui.
« Nous en savons déjà beaucoup sur le microbiote intestinal », explique M. Di Marzo. « Sa composition est connue – il s’agit principalement de bactéries, de virus et de levures. Nous savons que certains de ces éléments sont bénéfiques pour le corps humain, et d’autres, moins. Nous savons également que, si nous modifions la composition relative du microbiote intestinal d’une personne, cela entraînera des conséquences sur sa physiologie (c.-à-d. ses organes ou systèmes). Il existe en effet des liens étroits entre une telle modification et les maladies inflammatoires de l’intestin et autres troubles intestinaux, l’obésité, les troubles métaboliques et cardiovasculaires, et même le cancer. »
Pourquoi en est-il ainsi?
« C’est ce que j’espère découvrir », poursuit-il. « Je veux examiner le microbiote à l’échelle moléculaire. Je veux voir comment il communique avec le corps humain. Nous savons que le microbiote intestinal est composé de “bonnes” et de “mauvaises” bactéries, et que celles-ci cohabitent généralement en équilibre. Les intestins jouent un rôle clé dans diverses fonctions physiologiques, dont le métabolisme et le système immunitaire. Toutefois, la rupture de l’équilibre du microbiote provoque un phénomène appelé “dysbiose”, qui n’est pas sans conséquence pour l’organisme. »
Cette perturbation peut être causée par des agresseurs environnementaux tels que la chaleur, le froid, les médicaments, la pollution et, surtout, les bonnes et les mauvaises habitudes alimentaires. Les antibiotiques, bien entendu, nuisent également au microbiote, car ils peuvent réduire la concentration de « bonnes » bactéries dans le tractus gastro-intestinal et permettre la prolifération des « mauvaises » bactéries, comme la C. difficile. Heureusement, il est également possible d’agir sur le microbiote intestinal de façon positive : un des traitements qui réussit à contrer la C. difficile est la transplantation fécale, qui consiste à prélever un extrait de selles d’une personne en santé et à le transférer à une personne malade. Cette intervention permet de recoloniser le microbiote du receveur avec divers micro-organismes qui éliminent la C. difficile par exclusion compétitive.
« Je veux savoir pourquoi ce phénomène se produit, comment il améliore la situation, dit M. Di Marzo. Y a-t-il quelque chose dans le microbiote qui nous permet de nous sentir mieux, quelque chose qui entraîne ce genre d’effets thérapeutiques? Si c’est le cas, pouvons-nous mettre au point des moyens plus agréables que la transplantation fécale? Est-il possible de concevoir des applications thérapeutiques adéquates pour remédier à ce problème et à d’autres pathologies? »
« Je crois qu’il y a tellement de possibilités. J’estime que ce n’est même pas encore la pointe de l’iceberg », ajoute-t-il.