Selon des résultats publiés récemment dans la revue Nature Chemistry, la première réaction moléculaire dans la génération de la vision se produit beaucoup plus rapidement que tout autre processus biologique connu. Une vitesse telle qu’elle se situe à la limite de ce qui est possible en théorie dans les fonctions biologiques.
Les recherches ont été menées conjointement par Oliver Ernst, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la neurobiologie structurale de l’University of Toronto, et R.J. Dwayne Miller, également de l’University of Toronto. Les deux chercheurs sont boursiers principaux de l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA).
Une première version de l’article traitant de cette découverte a été publiée dans le site Web de l’ICRA.
Les premières étapes de la vision se produisent dans des cellules oculaires spécialisées, les photorécepteurs. Le pigment dans ces photorécepteurs, la rhodopsine, se compose de la protéine opsine et du chromophore rétinal. Quand la lumière atteint la rhodopsine, une réaction d’isomérisation s’ensuit dans le rétinal qui change la forme du chromophore et de toute la protéine. Ce processus déclenche la cascade de signalisation visuelle qui transmet au bout du compte un signal électrique au cerveau.
Même si les scientifiques comprennent l’isomérisation du rétinal dans le détail, ils ignorent combien de temps prend le processus. Par le recours à un type avancé de spectroscopie, la spectroscopie par réseaux transitoires à détection hétérodyne – un type d’holographie où on enregistre dans le temps les mouvements moléculaires –, les équipes de MM. Ernst et Miller ont pu étudier l’isomérisation du rétinal dans la rhodopsine bovine.
Les chercheurs ont découvert que le processus prend 30 femtosecondes, ou 30 millionièmes d’un milliard de secondes. Les mesures précédentes suggéraient que cela se produisait plutôt en 200 femtosecondes, près d’un ordre de grandeur de moins. Cette vitesse ultrarapide semble représenter une limite de vitesse moléculaire.
« Cela ne pourrait tout simplement pas se produire plus rapidement. Trente femtosecondes est un nouveau record de vitesse en chimie, particulièrement pour un système d’une telle complexité », dit M. Miller.
Qui plus est, les chercheurs ont découvert que le mouvement vibratoire des molécules – étirement, torsion et battement – contribue à diriger la réaction chimique. Les molécules bougent de façon telle que des atomes différents entrent en contact juste au bon moment pour mener à bien les interactions nécessaires. Des milliers de mouvements possibles, seuls les deux ou trois qui sont nécessaires au déclenchement du processus se sont manifestés.