█ Si les « mauviettes » sont si difficiles à déceler et que vous n’êtes pas certain de leur existence, comment vous y prenez‑vous pour les déceler?
░ Eh bien, il est vrai que, jusqu’à maintenant, aucun détecteur n’a pu déceler de particules de matière noire, du moins hors de tout doute. Toutefois, du point de vue de l’expérimentateur, si ces particules existent, elles devraient parfois manifester leur présence dans des conditions d’observation attentive très précises. Tout détecteur que nous concevons produira des hypothèses à leur sujet, entre autres, sur leur masse présumée. Jusqu’à maintenant, presque tous les détecteurs recherchaient des « mauviettes » dans des intervalles de masse correspondant à des multiples de la masse d’un proton. Nous avons maintenant éliminé ces intervalles; je travaille à des expériences qui portent sur des intervalles beaucoup plus faibles.
█ Est-ce plus difficile de déceler les « mauviettes » si leur masse est plus faible?
░ Oui, en quelque sorte. Les détecteurs proposés devront être excessivement sensibles et être protégés du rayonnement cosmique naturel et de la radioactivité, qui créeraient beaucoup trop de bruit de fond pour nous permettre de déceler une « mauviette ». Nous avons donc conçu des détecteurs très sensibles et nous avons les conditions de faible bruit parfaites dans le SNOLAB. Ce laboratoire est une salle blanche très profonde, aménagée à deux kilomètres sous la terre dans la mine de nickel Creighton de la compagnie Vale, à Sudbury.
█ Décrivez les détecteurs sur lesquels vous travaillez en ce moment.
░ Le premier est un détecteur cryogénique appelé SuperCDMS (Cryogenic Dark Matter Search). Il est constitué de germanium cristallin conservé à des températures avoisinant le zéro absolu. Dans cette substance à très basse température, toute particule de matière noire interagissant avec le germanium causera une très faible augmentation de la température dans le détecteur, qui sera décelée.
Le second détecteur se nomme NEWS (New Experiments With Spheres) et consiste en une grande sphère de cuivre contenant de l’hélium et des électrodes sensibles, positionnées de façon très précise, qui peuvent déceler les interactions entre les « mauviettes » et les noyaux des atomes gazeux.
█ La collaboration joue-t‑elle un rôle important dans tous vos travaux?
░ Les éléments réunis en vue de réaliser toutes ces expériences proviennent de différentes équipes d’un peu partout sur la planète – des États‑Unis, de la Grèce, de la France et, bien sûr, du Canada. Je voulais contribuer à l’établissement de liens entre des équipes de chercheurs de différents endroits dans le monde, et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté ce poste au Canada.
█ Quelle serait l’importance de la détection de la matière noire?
░ Chaque fois que nous pouvons observer un aspect de la réalité qui n’a jamais été vu auparavant, il est possible de révolutionner la physique des particules. La détection d’un nouveau type de matière, en particulier d’une forme de matière dont on pense qu’elle pourrait constituer 27 p. 100 de l’univers, serait certainement une grande découverte pour tout le monde.