La neuroimagerie permet de lire dans les pensées et de donner une voix aux personnes dans le coma


Au moyen d’un scintillement coloré à l’écran, le cerveau que Lorina Naci étudiait en se servant de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) lui a fourni une réponse en un mot : « oui ».

La question? « Êtes-vous dans un hôpital? »

Ce résultat provient d’une étude novatrice que Mme Naci, chercheure postdoctorale à la Western University, a dirigée en 2013. Travaillant avec Adrian Owen, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les neurosciences cognitives et l’imagerie, elle a eu recours à un simple test d’attention et à la neuroimagerie pour lire dans les pensées.

L’étude, dans le cadre de laquelle l’activité cérébrale était examinée au moment où étaient transmises des réponses simples, à savoir « oui » ou « non », a constitué un important pas en avant pour la communication avec des personnes que l’on croit être dans un état végétatif. Les chercheurs, espère-t-on, pourront ainsi être en mesure de déterminer plus rapidement et avec plus de fiabilité quelles personnes sont en fait conscientes; d’autre part, cela pourrait permettre à ces dernières de signifier leur volonté plus facilement.

« Pour la première fois, nous avons montré qu’une personne dans un état dit "végétatif ", selon le diagnostic clinique posé, peut utiliser son attention pour montrer qu’elle est consciente et pour communiquer avec le monde extérieur », dit Mme Naci. « Il arrive fréquemment qu’après une grave lésion au cerveau, des personnes perdent leur capacité d’avoir des réactions physiques. Lorsque nous observons ces personnes ou lorsque nous leur parlons, nous ne savons pas si elles sont encore conscientes, si elles peuvent comprendre ce qui se passe autour d’elles ni si elles ont une quelconque idée de leur état. »

Lorina Naci est l’une des sept universitaires venus à la Western University en 2011 pour se joindre à l’équipe de la chaire d’excellence en recherche d’Adrian Owen. Depuis, elle cherche à comprendre comment l’organisation fonctionnelle du cerveau soutient la conscience et la cognition humaines, et comment cette organisation se désagrège dans un cerveau endommagé.

En faisant appel à la théorie psychologique et en menant des recherches auprès de personnes qui ont des lésions au cerveau ou qui ont été anesthésiées, elle établit des mesures cliniquement applicables en neuroimagerie. Compte tenu de la complexité inédite de ces travaux, elle étudie aussi les conséquences médicoéthiques et sociétales de telles applications pour élaborer des lignes directrices en matière d’éthique en vue de leur application en milieu clinique.

En 2014, Mme Naci a dirigé une deuxième étude avant-gardiste au cours de laquelle elle s’est servie d’un court film d’Alfred Hitchcock et a ainsi pu montrer qu’il était possible de détecter la conscience chez des personnes en coma éveillé. Un participant canadien à l’étude était sans réaction depuis 16 ans. Pendant le film, son cerveau a réagi de façon très semblable à celui des participants en santé, laissant supposer que non seulement il était conscient, mais également qu’il comprenait le film.

« Nous savons déjà que le cinquième de ces personnes sont diagnostiquées à tort comme étant inconscientes. Cette nouvelle technique pourrait permettre de déceler davantage de cas, ce qui réduirait le nombre d’erreurs de diagnostic », estime Mme Naci.

En 2016, la Western University l’a nommée chercheure postdoctorale de l’année pour ses travaux. Elle s’est aussi vu attribuer l’une des deux bourses d’excellence L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science au Canada en 2016. D’une valeur de 20 000 $, la bourse souligne les réalisations de jeunes femmes de science exceptionnellement douées.

À l’issue de ce séjour productif au sein d’un laboratoire financé par le Programme des chaires d’excellence en recherche du Canada qui lui a permis de faire progresser l’étude de l’état de conscience minimale, Mme Naci se prépare à la prochaine étape de sa carrière : elle occupera un poste de professeure adjointe au Trinity College Dublin, en Irlande, à compter de mai 2017.